L’Union internationale pour la conservation de la nature pourrait bientôt classer le léopard des neiges parmi les espèces « vulnérables » et plus celles « menacées d’extinction », en se basant sur des estimations contestées par de nombreux scientifiques.
Quand une espèce animale menacée d’extinction montre des signes de progrès au point de n’être plus considérée que comme « vulnérable », c’est normalement plutôt une bonne nouvelle.
Mais dans le cas de la panthère des neiges, cette reclassification fait débat chez les experts du monde animalier. L’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) envisage de « rétrograder » le félin du statut d’espèce « menacée » à celui d’espèce « vulnérable », au vu des progrès observés sur sa population globale.
Mais pour de nombreux scientifiques, cette reclassification est dangereuse en termes de communication et de sensibilisation, et se base sur des estimations chiffrées peu stables et peu sûres.
La panthère des neiges, un animal plus si « menacé »
La panthère des neiges, aussi appelé once, est reconnue comme espèce menacée par l’IUCN depuis 1986. Mais d’après les récentes statistiques sur l’espèce, elle pourrait ne plus appartenir à cette catégorie de la « liste rouge » de l’organisation.
Selon des estimations de 2016, il y aurait aujourd’hui dans le monde 7 400 à 8 000 spécimens alors qu’ils n’étaient que 5 300 à peu près depuis les années 1990. Or, pour appartenir à la catégorie des espèces « en danger », la population doit être inférieure à 2 500 animaux ou avoir subi un déclin supérieur à 20 % en 16 ans. Des critères auxquels le léopard des neiges ne répond plus désormais.
« Même s’il est difficile de capturer une tendance générale, on manque de preuves sur un déclin significatif et continu de la population des léopards des neiges », justifie Rodney Jackson, membre de la Snow Leopard Conservancy qui a défendu la reclassification auprès de l’IUCN.
Une déclassification trompeuse et dangereuse
Le problème soulevé par les détracteurs de ce déclassement est l’incertitude des chiffres, liée aux difficultés d’observation de l’animal. Le félin vit dans une zone de près de deux millions de kilomètres carrés entre la Russie et l’Asie centrale, traversant 12 pays différents et les montagnes de l’Himalaya.
Un territoire étendu et difficile d’accès, qui fait de la panthère des neiges une « espèce étalée et énigmatique presque impossible à comptabiliser – sa population doit donc être estimée », explique Guillaume Chapron, de l’Université suédoise des sciences agricoles, à la BBC. Ainsi, seuls 2 % de la population des onces ont été étudiés en utilisant des techniques comme les pièges photographiques ou la génétique, dans certaines régions d’Asie.
Les chercheurs ont ensuite extrapolé les chiffres des zones étudiées à tout l’habitat géographique du félin, « qui peut, ou pas, être réellement habité par l’animal. »
« On ne choisit pas une méthode scientifique en fonction des résultats qu’elle va donner »
« En plus, ces 2 % ont été étudiés justement parce qu’il y avait un présupposé, dans ces régions, qu’il s’agirait d’un habitat favorable à l’espèce », poursuit Guillaume Chapron. « Ce n’est pas un raisonnement scientifique convenable. On ne choisit pas une méthode en fonction des résultats qu’elle va donner. »
Tom McCarthy, membre de l’association Panthera, relativise ces critiques. « C’est ce que les gens appellent le pifomètre », confie-t-il à la BBC, « mais moi j’appelle quand même ça un pifomètre bien renseigné ».
L’expert des félins comprend tout de même l’inquiétude de nombreux scientifiques et associations de conservation quant au changement de dynamique que cette reclassification peut provoquer. « Le mot ‘menacé’ a cette aura, c’est un mot puissant, évocateur », explique-t-il à New Scientist. « C’est quoi, un animal ‘vulnérable’ ? Je suis le premier à admettre qu’il ne faut pas relâcher les efforts sur la conservation du léopard des neiges. »
De nombreuses menaces toujours très présentes
Un désintérêt pour la cause, c’est justement ce que craignent les associations de conservation et de défense des félins. « Comment allons-nous sensibiliser la population derrière cette cause et réunir les fonds nécessaires ? », s’inquiète Beth Schaefer, curatrice au zoo de Los Angeles, auprès de New Scientist. « Si vous annoncez que le léopard des neiges n’est plus menacé, les gens vont répondre ‘Ah, ok’ et passer à autre chose. »
En 2016, les associations Panthera, Traffic et WWF rappelaient pourtant que la panthère des neiges faisait toujours l’objet d’un trafic illégal énorme en Asie centrale, notamment pour sa fourrure. « Le léopard des neiges reste un animal avec une population réduite et victime de nombreuses menaces », rappelle Jean-Gaël Collomb, directeur exécutif du Wildlife Conservation Network. « Ce n’est pas le moment de lever le pied dans le processus de conservation. »
Fin août 2017, les 12 pays d’origine du léopard des neiges (Afghanistan, Bhoutan, Chine, Inde, Kazakhstan, Kirghizistan, Mongolie, Népal, Pakistan, Russie, Tajikistan, Ouzbékistan) se réunissaient pour mettre en place une protection mondiale du félin dans la région. Un premier sommet inter-États qui laisse à penser que, loin de se reposer sur leurs lauriers, les gouvernements et organisations continueront ce travail de conservation, quelle que soit la dénomination de la panthère des neiges, « menacée » ou simplement « vulnérable ».
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Source: http://mashable.france24.com/